Résistance :nom féminin,
Action de résister physiquement à quelqu'un, à un groupe, de s'opposer à leur attaque par la force ou par les armes. Action de résister à une autorité, de s'opposer à ce qu'on n'approuve pas : Résistance à l'arbitraire. Se heurter à la résistance de ses proches. Capacité de quelqu'un à résister aux épreuves physiques ou morales, d'un être vivant à résister à des conditions de vie extrêmes : Avoir une bonne résistance à la fatigue. Propriété d'un matériau de résister aux effets d'un agent extérieur : Matière textile utilisée pour sa résistance. Force qui s'oppose au mouvement dans un fluide : La résistance de l'air.
Les conjonctures, politiques, religieuses, sociétales, sont hélas suffisamment légions dans les pays du Maghreb et du Moyen-Orient pour confronter et presser les artistes issus de ces régions à adopter des attitudes de résistances : régimes autoritaires, intégrismes, guerre civile, droit de l’homme, condition de la femme, pauvreté, conflit israélo-palestinien…
Dans les travaux sélectionnés et proposés par Lowave, ces attitudes de résistances prennent différentes voies qui vont du réquisitoire à la dérision. Les choix formels que les artistes adoptent, épousent un éventail très large qui va du court-métrage de fiction à la vidéo expérimentale. Certes les vidéos présentées ne sont pas toutes d’égales valeurs mais cette compilation dresse un panorama assez exhaustif, suffisamment varié de la production contemporaine trop méconnue du Moyen-orient et du Maghreb.
Les thématiques parcourues sont évidemment celles précédemment citées. Une part importante des vidéos proposées interrogent et interpellent la condition de la femme : « Les illuminés » de Halida Bougriet (Algérie) capture notre regard par un point de vue en caméra subjective d’une femme portant la burqa, cette femme (nous) croise des gens dans le métro, expressions surprises, curieuses, choquées, génées se lisent sur les visages ; dans « Coloured Photograph » à l’esthétique rappelant les campagnes de United Colors of Benetto, Waheeda Malullah (Bahrein) choisit, elle, de colorer un groupe de femmes revêtues de Burqas noires, figées dans un quasi plan fixe pris frontalement. « This smell of sex » mêle très subtilement témoignages très libres de jeunes, hommes et femmes sur leurs rapports avec la sexualité. Ceux-ci n’apparaissent jamais à l’écran qui demeure noir et nous plonge à notre tour dans la frustration. Oscillant d’un imaginaire presque orientalisant et exotique : « Coloured Photograph », à un noir et blanc « trash », tourné en situation réelle et relevant quasi du happening, avec « Les illuminés », ou par la disparition de la figure dans « This smell of sex ». Ces trois vidéos, outre de relever les problèmes liés à la condition de la femme, ont en commun de sonder notre propre regard face à l’altérité avec des dispositifs différents.
« Si le nom adosse l’humain à sa condition d’être mortel, le visage parce que voyant visible, est ce qui permet à l’homme de s’appréhender dans l’œil de son vis-à-vis et de voir le reflet de lui-même »
Houria Abdelouahed in Art Press 371, "L'érotique d'un voile"
Dans ces trois vidéos, il est donc beaucoup question de la circulation du regard. Stratégies différentes : le frontal donc avec « Coloured Photograph , l’absence avec « This smell of sex » cette absence renvoie à un jeu de frustation donc mais aussi explicitement à l’idée de censure : choix imposé par les circonstances ou volonté de la réalisatrice, peut importe… « Les illuminés » frappe lui par le renversement de point de vue effectué au final, et interroge aussi notre part de condescendance, la femme voilée, ici, devient comme un animal de zoo qui l’on observe. Chaque étant situé de part et d’autre d’une frontière bien délimitée. L’on pourrait aussi rattacher, à des degrés moindres, la très belle vidéo d’Ismaïl Bahri « Résonances » à cette problématique. En effet cette vidéo a pour décor, une salle de bain, lieu de la toilette, lieu qui renvoie à la sphère du privé, de l’intime en opposition à l’image publique et à la violence qui peut s’en dégager comme dans « Les illuminés », la part fantasmatique du regard occidental peut s’y retrouver engagée, images orientalisantes du harem, du hammam, calligraphie arabe qui recouvre les parois d’une baignoire… Portrait de femme aussi dans « La parade de Taos » de Nazim Djemaï (Algérie), déambulation d’une femme dans un Alger encore sous le coup des années de guerre civile, couples illégitimes, amours et sexualité confinés à la clandestinité. Malgré les injures d’enfants l’assimilant à une sorcière, cette femme trace sa voie, la tête haute…
Perte d’un rêve, perte de territoire, perte de liberté… Rêves déchus…
« Revolution » de Khaled Hafez (Egypte) nous confronte avec le rêve Nasserien, le panarabisme, les espoirs levés en 1952 avec la proclamation de la république en Egypte, nous interroge sur ces espoirs… Trois personnages sont confrontés : le civil , le religieux et le militaire, chacun est séparé, compartimenté, enfermé dans un cadre, pas de porosité possible, paraboles de logiques et d’aspirations différentes concernant la construction de la société ? En tout le dialogue ne s’établit pas, ne s’établit plus. Le militaire pointe son arme vers les deux autres personnages : est-il le garant de la cohésion du pays comme en Turquie, l’armée est garante de la liberté ? Est-il une menace ?
« S’agit-il de critiquer ou de légitimer l’influence du pouvoir militaire qui reste le véritable maître du jeu politique dans certains pays ? Le moment est-il venu de réactiver et d’appliquer le slogan de la gauche révolutionnaire des années soixante du tiers-monde affirmant que « le pouvoir est au bout du fusil » ? » comme le souligne Olivier Hadouchi dans la préface de ce recueil.
Evocation de la guerre civile libanaise avec « 3 494 houses and one fence » de Mireille et fabian Astore (Liban) qui dans une vidéo filmée dans une banlieue résidentielle d’Australie, maelström de façades de maisons accompagné d’une bande-son constitué de rafales de mitraillettes, d’explosion, ponctuées d’arrêts sur images où s’ouvrent des béances sur des clôtures, des murs évoquant les barbelés, les destructions, nous rappelle d’une part, qu’ailleurs , hors de notre tranquillité, des guerres se déroulent, d’autre part que la démocratie et la paix n’est pas une conquête définitive.
Conflit israélo-palestinien, avec « Run Lara, Run » de Larissa Mansour (Palestine), ici pas d’évocation directe du conflit, mais juste une fille qui court en tout sens, à perdre haleine, se heurte à des murs, des portes closes, ne trouvant pas d’échappatoire possible. Une femme, encore, qui tente de rendre compte, par sa course éperdue, de l’incommensurable de la situation politique d’un territoire réduit, dépecé peu à peu, où l’avenir s’avère précaire, où le désir de fuite prend le pas sur l’espoir pour toute une jeunesse. L’incommensurable s’exprime là aussi dans « We began by measuring distance » de Basma Alsharif (Palestine), distances mesurée entre Oslo, Madrid, Charm-El-Cheikh, distances mesurées de la perte des territoires, d’un monde avant la tragédie, distance de l’exil pour bon nombre de Palestiniens. Exil, perte, évoqués par la terre, les fruits, les arbres, la tradition… Ecart, fossé entre un monde révolu et un présent sans avenir lisible… Incommensurable distance qui mènera à une paix viable…
« Que peux un recueil de vidéos et de films face à une série de bombardements, des systèmes de surveillances implacables et des libérations inachevés ? Résister, reconstruire à partir des ruines, exister, le dire et le montrer »
Olivier Hadouchi, préface au recueil « Resistance (s) Volume 3
Dans la vidéo de Ismaïl Bahri, les mots se laissent emporter, glissent, se dissolvent dans la masse uniforme de l’eau, semblent disparaître mais ils s’accrochent, s’agrippent, se reflètent, teintent, colorent, des traces restent persistantes malgré tout. Ils résistent.