28/04/2011

"Can't we go back" by Luna

"Can’t we go back"…  Interrogation, affirmation, invitation ? Le doute plane, reste entier…  Des images apparaissent dans la nuit de l’écran… Divisées… Lucioles fragiles… Des voix off apparaissent aussi, des dialogues de Citizen Kane, en anglais et en russe… De fragmentaires, les images peu à peu emplissent l’écran, jouent d’effets de miroirs, mêmes personnages dédoublés… mêmes décors… Notre vision est prise dans une sorte de kaleidoscope, qui transforme, réarrange, ordonne, regard qui ne peut fixer le moindre point focal… Notre condition face au réel ou au fictionnel des images, choix  qui nous saisissent à chaque instant, où choisir un point de vue relève de la gageure… Voir de l’impossible…
Pourtant l’artiste nous propose deux voies, l’une géométrique, l’autre plus floue… Comme deux appréhensions de la realfiction Elles nous mènerons toutes les deux à une reconstitution finale, d’une scène enfin lisible ? Encore un leurre… Car cette image peut encore à son tour se fragmenter, se disloquer…
Can’t we go back nous engage donc à un retour, mais est-il le bon ? Est-ce la bonne piste ? L’image primitive de « Rosebud » dans Citizen Kane d’Orson Welles…  Peut-être vaut-il mieux jouer « L’idiot », nom d'un restaurant à Saint Petersbourg dans lequel sont tournées ces deux vidéos...





20/04/2011

Cette légère intranquillité du tangage


















Mare nostrum, notre « mère », berceau sépultural, matrice originelle, un territoire sans terre…

Combien de flottes se croisèrent, s’affrontèrent pour contrôler la Méditerranée, contrée liquide, fluide et fuyante, combien s’essayèrent à en redessiner les frontières : Grecs contre Perses, Rome contre Carthage, musulmans contre chrétiens, l’histoire est longue…  
Une mer enceinte des conflits de ses fils et dont elle charrie encore, indifférente, le sang fratricide, avec cette singulière façon de dodeliner, de trémousser de ses vaguelettes  aguichantes, incestueuse presque … Pour qui connait la Méditerranée, cette fausse indolence peut révéler bien des tempêtes, soudaines, inattendues… A son tour, Medhi Meddaci tente d’en esquisser ses contours, ses périphéries…


courtesy@galerie Odile Ouizeman



De quoi joue Medhi Meddaci dans ses vidéos ? De ces tangages, de ces  indolences. Que nous donne - t-il à voir ? Des ruines, des bâtiments en décrépitude, rognés peu à peu, par l’incessante et douce caresse des flots… Par son insinuante salinité… Par la supercherie et  les ambitions des hommes aussi… Des intérieurs de maisons dans lesquels trainent des hommes ou des femmes, aux poses alanguies, ou endormis, des cadavres d’animaux,  des couloirs, des avenues aux éclairages nocturnes… Devant son travail se pose souvent la question de savoir de quel côté de la rive nous nous situons. Une impression générale de flottement, d’incertitude nous emporte…Oscillation entre quiétude et danger… Entre territoire mille fois éprouvé et contrée qui se dérobe à nos yeux…


courtesy@galerie Odile Ouizeman

 

D’autres images, celle des hittistes, littéralement ceux qui tiennent les murs,  scrutant un horizon à fond perdu, l’écume des vaguelettes, vers un « Ailleurs » impossible. Chacune des rives de la Méditerranée se font face… Chaque crique, baie, ville ou village suscite le désir de s’échapper vers les rives d’en face.… Mais sur ces rives-là  viennent se dresser des murs infranchissables… Et souvent rien ne se fait, rien ne se passe et les rêves restent plantés là, échoués sur la grève… Et le geste de cet homme, dos à la mer, sur une plage qui lance une pierre vers l’intérieur des terres, par dépit ? Par rage ? en dit long…
Séquence répétée, s’alternant avec des bâtiments au bord d’une falaise, un autre séquence vient s’y insérer aussi, celle d’une fille dans un couloir, le maillot trempé, a-t-elle réussi la traversée ? Le tout est mis en boucle par l’artiste dans une fixité quasi photographique. Cette répétition, ces mouvements quasi impersceptibles qu’intalle donc Medhi Meddaci dans ses vidéos, ces mêmes gestes, ces mêmes personnages pris dans des rets de l’immobilité symptomatise une situation sans espoir. cette mer n’a pas de marée, n’a pas d’issue, Meddaci en reitère la réalité par ce dispositif formel qu’est le ralenti.


courtesy@galerie Odile Ouizeman



Cette pesanteur, cette torpeur, ce ralentissement poussé à l’extrême finit par avoir raison de tous les personnages mis en scène par Meddaci, en un acte qu’est la chute… D’abord ces falaises, bordures, Bâtiments suspendus entre terre et mer, mais surtout cette vidéo au fond noir où des corps d’hommes, de femmes, surgissent d’un hors-champ situé en haut du cadre pour disparaitre dans le bas de ce même cadre, les chutes sont répétés, diffusées sur trois écrans qui forment un tryptique et nous cernent, elles sont aussi filmées au ralenti. Ces chutes renvoient à cette série photographique d’hommes ou de femmes endormis, la chute d’un mauvais rêve ? Chute aussi de ces personnages appuyés sur une grille. Ici, il n’y a peut-être plus le mur des hittistes, mais une grille qui vient peut-être, rendre compte des prisons intérieures ou des désillusions…

Les vagues, les remous de cette Méditerranée : un décor éternel, figée à jamais,, impassible mais qui réclame son tribut sacrificiel, à chaque échappée, à chaque tentative d’atteindre une autre rive toujours plus belle…


Mehdi Meddaci
Cycle Méditerranéen
Ce qui est perdu
Photographies, Vidéos, Installations
17 mars // 7 mai 2011
Ouvert du mardi au samedi 12h/19h et sur rendez-vous

Galerie Odile Ouizeman – 10/12 rue des Coutures Saint-Gervais – 75003 PARIS
T 01 42 71 91 89 – F 01 42 71 94 13 – contact@galerieouizeman.com – www.galerieouizeman.com