19/03/2013

L'Arménie, un génocide oublié



Qui se souvient du génocide arménien perpétré en 1915 pour les autorités turques ? En 2015, cela fera 100 ans! Cet article est un appel à la mémoire, à la reconnaissance mais aussi à une action en hommage à tous ces morts, victimes d'un génocide dont on refuse toujours de reconnaître le nom


"Projet: 1 500 000 sachets de thé 2015" afin de pouvoir réaliser une oeuvre éphémère dédiée à la mémoire des 1 500 000 victimes du Génocide de 1915 nous cherchons des partenariats afin de récupérer 1 500 000 sachets de thé usagés avant janvier 2015.
En effet en 2015 cela fera 100 ans que l'amnésie perdure et que la réalité historique oscille entre intérêts politiques et économiques, reconnaissance par l'Assemblée Nationale et annulation par le conseil constitutionnel...
Le projet que nous préparons sera le plus ambitieux que nous ayons jamais réalisé. Un projet important, car il s'agit avant tout pour nous d'un devoir de mémoire . 1 500 000 sachets rassemblés jusqu'en 2015, cela fait entre 2000 et 4000 sachets par jour ! Cela parait impossible, mais pourtant c'était aussi le nombre de victimes par jour...
Nous espérons que des milliers de personnes de pays et d'origines différentes participeront à la commémoration... par leur présence derrière chaque sachet.

"c'est un projet dont le centre est l'individu ! C'est 1 500 000 personnes, et derrière chaque personne, il y aura une personne représentée par son sachet... Pas d'états, pas de politique ! un petit garçon qui donne son sachet en pensant au petit garçon qui a disparu quand ils ont brulé son école-église où il s'était réfugié avec ses camarades de classe... ili n'a pas pu grandir... Cette histoire est vraie, c'est celle du petit frère d'une vieille dame qui la racontait à son petit fils au lieu de lui lire des contes d'enfant... On ne met pas en doute la parole de sa grand mère... J'aimerais beaucoup qu'il y ait des buveurs d'origine turque aussi... c'est juste un acte d'amour et de mémoire..." " 

Gilda Gueguamian

07/03/2013

Quand l’art et la géopolitique se côtoient


L’Histoire de l’Art recèle de nombreux peintres d’Histoire, de scènes de guerres ; nos journaux pullulent de photographies esthétisant nos guerres actuelles. Mais quelle est la place des artistes d’aujourd’hui ? Peut-on parler  « d’artistes engagés » ? L’œuvre d’Emeric Lhuisset met en exergue ce questionnement.










 Des Beaux-Arts de Paris aux terrains de la guerre ; parlez-nous de vos premiers pas artistiques…
Je me suis toujours intéressé aux éléments historiques qui marquent les changements de nos sociétés, ainsi qu’à l’ailleurs à travers les cartes…
Pourquoi tel ou tel évènement a-t-il pu avoir lieu à ce moment donné dans ce lieu ? Quels en sont les déclencheurs ? Comment sur place dans l’instant, la situation est-elle perçue par la population et les protagonistes de l’évènement?
Pour tenter de comprendre toute ces questions, je me suis donc naturellement tourné vers la géopolitique, développant tout un protocole d’étude ; allant d’étude théorique, de collaboration avec des chercheurs, jusqu’à un travail de terrain assimilable à un travail anthropologique.
Mon moyen d’expression privilégié étant l’art (c’est celui que je maitrise le mieux, qui me semble offrir le plus de libertés et a l’avantage de laisser libre cours à l’imaginaire de chacun), j’ai cherché à retranscrire ces études à travers une production artistique.
Le conflit étant au cœur de beaucoup de problématique géopolitique, je m’y suis naturellement intéressé. De plus le conflit étant très présent dans nos sociétés (occidentales) à travers jeux, films, news… il est difficile de passer à côté, pourtant l’image qui nous en est offerte en est extrêmement caricaturale, il m’a donc semblé légitime et important de s’interroger sur ces représentations.
Lorsque je suis rentré au Beaux-Arts, j’avais déjà une approche qui allait plus ou moins dans ce sens (même si elle était encore à ses balbutiements) et j’avais déjà travaillé dans des zones de guerre.


American suburb@Emeric Lhuissiet

                            Lambda Durst, 120 x 90 cm
                                           Irak, 2010.

       


. Si vous deviez choisir, quelle serait l’œuvre la plus emblématique de votre travail ?
Mon travail est un tout, il y a naturellement des œuvres que je préfère, mais je ne pense pas avoir une œuvre plus emblématique qu’une autre.


. Revenons sur votre travail photographique… Comment le définiriez-vous ?
Je définirai mon travail photographique au même titre que mes autres projets, comme une retranscription plastique d’analyses géopolitiques.


Théâtre de guerre@Emeric Lhuissiet
photographies avec un groupe de guérilla Kurde Iranien
Lambda Durst, 170 x 115 cm

Irak, 2011 – 2012.



. Comment parvenez-vous à vous insérer dans le jeu social du théâtre de la guerre sans poser l’hypothèse à priori de sa transformation ? Quelle est la place de la temporalité dans votre processus ?
Le processus d’intégration est effectivement extrêmement important, il est dû à un long travail sur place (parfois plusieurs années) avec les combattants pour gagner leur confiance et briser la barrière qui nous sépare. Par ailleurs lorsque je présente mon travail et explique que je suis artiste, ça suscite beaucoup d’étonnements et de curiosité de la part ces derniers (les artistes sur les zones de guerre sont assez rare, voire inexistant).
Il est alors très important qu’ils comprennent mon travail et où je veux aller.
Ces combattants deviennent ainsi progressivement des amis qui m’aident à réaliser des projets que l’on construit ensemble, il est très important pour moi qu’ils participent au processus créatif aussi bien en terme de réflexion que de réalisation.

Dans mon approche sur la représentation des conflits, j’essaye d’être symptomatique de la période dans laquelle on est c'est-à-dire une période de transition entre le reportage de guerre classique et le combattant équipé d’un téléphone portable, qui devient lui aussi rapporteur d’images ; images qu’il va alors diffuser lui-même via internet.
Et en même temps, je tente de questionner cette représentation au regard de l’histoire.
Dans le projet Théâtre de guerre, je crée des mises en scènes volontairement très maniérées afin de trahir le procédé et de questionner sur la théâtralisation de l’image de conflit. L’on est ici avec de vrais combattants, sur une vraie zone de guerre et pourtant nous sommes dans une mise en scène mais qui pourrait très bien ne pas en être une, quelle est alors la part du réel dans ces images ?


 Théâtre de guerre
photographies avec un groupe de guérilla Kurde Iranien
Lambda Durst, 150 x 112,5 cm
Irak, 2011 – 2012. 


. Etrangement la scénarisation de vos photographies « floue » l’aspect culturel. Est-ce pour tourner en dérision la tragédie guerrière et/ou créer une sorte d’allégorie poétique de la guerre ?
Cette scénarisation des photographies dans la série Théâtre de guerre est destinée à donner à voir la question de la mise en scène dans l’image de conflit et notamment à travers la création d’image que j’appellerais « icône ». En effet, ces images « icônes » qui à elles seules représentent un conflit sont très souvent des mises en scènes ; je pense notamment au drapeau américain sur la colline après la bataille d’Iōjima ou celle du drapeau soviétique sur le Reichstag, mais aussi à la polémique sur la photo de Capa avec ce soldat fauché par une balle pendant la guerre d’Espagne ou plus proche de nous les images les plus célèbres de la guerre en Irak (chute de la statue de Saddam Hussein, puis sa capture et images de la prison d’Abou Ghraib).
Dans cette série Théâtre de guerre, je donne à voir un phénomène plus qu’un conflit.
Après il est clair qu’il y a une recherche d’esthétisme dans cette série, mais elle me semble ici importante (comme dans le reste de mon travail) car c’est cette dimension esthétique qui va attirer l’œil du regardeur, tel un piège dont Louis Marin nous dit qu’il est « d’autant plus efficace qu’il n’apparaît point tel » et l’amènera ensuite à s’interroger ; un peu à la manière du Dormeur du val d’Arthur Rimbaud.


. Comment sont perçues vos œuvres, votre démarche dans ces pays ?
Il est pour moi important lorsque je travaille avec un groupe, qu’ils aient parfaitement compris mon travail et sache ou je veux en venir.
En Irak (pays où j’ai beaucoup travaillé), je sais par exemple qu’il est suivi avec intérêt par de nombreuses personnes.
Lorsque que je travaille dans tel ou tel pays je discute longuement des projets que je veux faire avec mes amis sur place afin que mon travail ne soit pas seulement pertinent en Occident, mais aussi dans le pays où je l’ai réalisé. Bien souvent les gens sur place perçoivent des dimensions de mon travail qui ne sont pas perceptibles en occident, car je fais référence à tels ou tels éléments de leur culture et inversement. Chacun a sa propre grille de lecture, sa propre perception en fonction de sa mythologie personnelle, comme disait Baudrillard.


. Quels sont vos projets à venir ?
Je suis actuellement en train de terminer la post production d’un projet vidéo que j’ai réalisé en Syrie en août 2012 où j’ai filmé 24h de la vie d’un combattant de l’Armée Syrienne Libre dans la province d’Idlib et d’Alep.


Interview par Madeleine Filippi
Commissaire d'exposition - Rédactrice en chef revue Diapo