04/02/2010

Paysages après la bataille






La perception que chacun d’entre nous a d’un paysage relève souvent d’un leurre. Ce paysage, en général, apparaît à nos yeux comme évident, immuable, à l’exemple d’une montagne inscrite dans la géographie d’un lieu depuis des millénaires.
Ce que nous contemplons, ce qui nous est donné à voir nous semble naturel.
Mais à bien y regarder, peu de choses échappent à la main de l’homme, rares sont encore les territoires vierges ; champs, bocages, architectures ponctuent les paysages.
Des éléments, des hiatus peuvent venir rompre, perturber l’harmonie de cette douce contemplation.
Parfois aussi, ce qui nous est montré nous échappe ; au détour d’un chemin d’une futaie, lors d’une promenade dans la campagne picarde ou champenoise, peuvent ainsi surgir des monticules, des creux qui ravissent nos yeux, nous enchantent… Ce ne sont que des espaces labourés, modelés par la guerre … Au détour de ce chemin, au détour de cette futaie surgit alors l’histoire et le temps nous rattrape.






Les travaux photographiques d’Anne-marie Filaire scrutent, dégagent des espaces et déplient devant nous les traces qui sillonnent la mémoire des lieux.

« …Je photographie des paysages depuis plus de vingt ans. C’est à travers ce sujet que je m’exprime. Je m’interesse à la notion de temporalité dans la représentation du paysage . J’explore des temporalités psychiques entre chronicité et histoire… Cette recherche sur la perception du temps à travers sa représentation dans le paysage m’a conduit à l’élaboration d’une œuvre sur les espaces traumatiques et les pays en processus de paix. Ces scènes constituent des espaces (géographiques) qui sont le champ de mon expérimentation et de ma réflexion… »

Ainsi Anne-marie Filaire présente son travail.

Cette photographe a travaillé essentiellement au Proche-Orient, au Moyen-Orient, en Asie du sud-est, en Afrique de l’Est, en Europe dans des zones de conflits, dans des géographies livrées aux aléas tragiques de l’histoire.
Parfois les conflits sont éteints, certains restent en suspens, d’autres perdurent, prennent d’autres formes…

Le territoire où se déroulent ces conflits devient l’enjeu de la haine, en garde les stigmates. Anne-Marie Filaire les révèle par un travail minutieux d’enquête quasi topographique.
Ainsi sa série de panoramiques sur les paysages en Israël et en Palestine sont soutenus par une approche documentariste de la photographie, privilégiant le rapport au temps et son inscription dans un paysage donné. Mais le travail d’Anne-Marie Filaire ne néglige pas un aspect artistique. Son travail se situe dans la tradition du paysage pictural. Elle s émancipe de la présence humaine. Celle-ci n’est jamais ou rarement le sujet principal de ses photographies. Cette présence est mise à distance, est traitée comme un simple élément constitutif de la photographie.




Anne-Marie Filaire choisit donc d’évacuer le pathos du sujet humain, solution de facilité dans les zones de conflits. Il suffit de penser aux cortèges de réfugiés, de souffrances, de pleurs, de blessures…
Elle choisit de focaliser sur les traces que cette présence imprime sur un territoire.
Ce qui ne l’empêche pas de se placer du point de vue humain, ainsi ses panoramiques, point de vue d’une sentinelle, du guetteur…

Des ses photographies émanent une grande force plastique, à l’exemple de sa série sur le mur construit par Israël et encerclant la bande de Gaza et La Cisjordanie.

Mur honteux de la séparation de deux cultures… Travail sur l’enfermement, sur les délimitations, sur la segmentation d’un territoire…


La galerie baudoin lebon présente AILLEURS d'Anne-Marie Filaire
Exposition du 28 janvier au 27 février 2010Vernissage le mercredi 27 janvier 2010 à partir de 18 heures.