L'insomnie est l'état d'une privation involontaire de sommeil provoquée par une pathologie ou des troubles psychologiques. Malala Andrialavidrazana, avec sa série photographique "Insomnia" traque ces errances d'un sommeil perdu dans la géographie nocturne d'une grande ville, Hong-Kong, ...
Hong-kong, la nuit... Enseignes clinquantes, quelques rues animées, d’autres désertes…
Derrière ces enseignes se cachent des lieux: bars, hôtels, peep show… Ces lieux reprennent le dessus dès que l'agitation de l'activité diurne cesse de battre... Endroits où se noient les solitudes, les abandons, les rencontres furtives... Bref quelques spots où viennent s’attarder les noctambules attirés par ces lumières comme des phalènes solitaires en disgrâce d’amour, à la recherche de chaleur. Noctambules souvent en rupture de ban avec leurs jours, ternes, impersonnels et laborieux… L'envers du décor d'une ville animée, saturée d'activité...
Des intérieurs suggérés par ces enseignes, nous ne verrons rien, juste pourrons nous deviner quelques silhouettes à travers des vitres… De ces rues, un couple anonyme qui s'embrasse, un homme qui mange de dos et discute avec le tenancier d'une gargote...
Malala Andrialavidrazana ne montre rien de ces lieux. Ses photographies nous abandonnent aux limites, aux lisières de ces endroits où tentent de s'arracher quelques instants de répits face aux insomnies diurnes et nocturnes. Malala Andrialavidrazana s’attache juste, à partir de ses photographies, à créer des hypothèses, à fixer des scénarios possibles, à laisser vagabonder notre imaginaire...
Dans son travail photographique, Malala Andrialavidrazana, architecte de formation, ne cesse d'interroger les relations entre l' humain et le milieu qu'il occupe, dans lesquels ils vivent. Ainsi déjà dans une ancienne série "Outre-tombe" réalisée il y a six ans, elle posait les prémices de ces interrogations. Les photographies de cette série questionnaient les modes d’inhumations, les cimetières, leurs architectures, leurs intégrations parmi les lieux de vies humains à travers le monde, questionnaient aussi les rapports de communauté, les rapports de différences que les cimetières entretenaient entre eux à chaque bout de la planète. Ces rapports des vivants et des morts ramenaient aussi en quelque sorte à ces questions de lisières, d'entre-deux mondes.
Là, elle place son travail dans la vie nocturne d’une mégapole vouée au business, aux affaires mais aussi chargée d’histoire, une ville où se côtoient ultra-modernité, mais aussi les vestiges, les marques d’un Hong-Kong immémorial telles les petites échoppes de marchands ambulants, qui se perdent dans les strates d'une urbanité moderne et envahissante… Ces traces de modernité apparaissent ça et là, dans les publicités clinquantes, dans l’inscription d’une grande marque sur le fond d’une photo, apparaissent aussi dans les tags, dans les piles de journaux vraisemblablement prêts pour la livraison matinale… Traces finement retranscrites par Malala Andrialavidrazana.
Malala Andrialavidrazana, grâce à cette acuité à saisir les phénomènes urbains, se livre dans cette série à un travail de déchiffrement, joue avec la polysémie de cette jungle urbaine qu'un Hong-Kong. Les enseignes, les noms de rues, les inscriptions deviennent langages et impriment un jeu d’évocation : « Pearl vietnamese restaurant » au-dessus d’un groupe de trois filles esseulées, écran de publicité Nokia lumineux avec au premier plan, sous-exposé, le visage fermé d’un homme seul… Ce jeu de déchiffrement renvoit et participe à cette construction de scénarios possibles. La signalétique urbaine devient dialogue...
Les photographies de Malala n’imposent aucune situation, nous laissent seuls voguer dans cet état d'insomnie, dans ce monde flottant qu’est la nuit d’une grande ville, nous laissent au pas de la porte de ce « Red lips bar »… Où une histoire peut survenir, peut-être...
"Insomnia"
du 28 janvier au 27 février
Galerie Baudouin Lebon
38 rue Ste cropix de la Bretonnerie, Paris 75004