Article initialement paru dans PerformArts n°11 suivi d'une interview avec l'artiste
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@valery Poulet |
Jean-Luc Verna est un artiste protéiforme, à la fois plasticien,
professeur,
acteur, danseur et chanteur avec son groupe I apologize. L’exposition
qu’il présente à la galerie Air de Paris, permet de revisiter son
parcours
artistique mêlant pièces récentes et mais aussi plus anciennes.
Ses thématiques tournent autour du punk, notamment de son icône Siouxie et s’engage dans l’autoreprésentation. Son propre corps d’artiste, qu’il ne cesse de travailler et mettre en
représentation, se couvre de tatouages, de piercings... Il le module à volonté, comme
un
véritable tableau vivant, une mise en abyme, non sans rapport avec
les autoportraits de Rembrandt ; autoportraits qui se lisent comme une évolution ; où le corps devient palimpseste. Le dessin aussi revêt
une grande importance où abondent les sujets tragiques, voire trash.
Jean-Luc Verna rejoue le même travail, mais il en propose une
relecture,il le ré-agence, l’adapte, nous en offre une mise en perspective,
où lesœuvres dialoguent entre elles. Cette confrontation, cette mise en
écho entre photographies et dessins est comparable à un live où le répertoire se joue à chaque fois de façon différente. Au premier abord, ces œuvres
semblent se livrer au spectaculaire. Mais elles vont bien au-delà
et masquent une grande sensibilité.
Le titre de l’exposition devient manifeste : « Vous n’êtes pas un
peu beaucoup maquillé ? » - « Non ». Un non tel un cri à la face du monde qui force notre regard vers d’autres horizons. Le maquillage couvre plusieurs notions, d’abord celle d’écrin, certaines pièces
sont
effectivement redécorées, fardées, remaquillées… Entourées de plumes noires, de lampions de fête... Elles semblent se parer, se
faire belles aux yeux du public, un côté strass, paillettes, glamour.
Une belle mort © photo Marc Domage
courtesy Air de Paris, Paris.
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Mais ce fardage, ce maquillage, cette décoration prennent une dimension
tragique et nous reviennent droit en pleine face tel un camouflage
face à la mort... Verna travaille sur la notion de temps, d’usure, sur
les artifices qui masquent notre propre vérité : la mort, la
vieillesse ne sont jamais très loin, comme ces dessins d’oiseaux, inanimés et couchés
au sol, pattes en l’air.
Paramour© photo Marc Domage
courtesy Air de Paris, Paris.
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La reprise du sigle de la Paramount agit
comme une vanité : la gloire, la vie sont éphémères. La série de photos où
le corps nu et sculptural de l’artiste nous confronte aussi à ce rapport.
Que faire de ce corps qui finira par se plisser, se rider et en finalité
sera voué à pourrir malgré les moindres artifices pour cacher, camoufler l’inéluctable donnée ? Comme ce grand portrait, qui, émergeant du noir ou plutôt
qui s’estompe, encerclée d’une couronne de fausses plumes noires comme dans les revues de music-hall, devient une couronne mortuaire..Jean-Luc Verna, derrière une façade ludique, nous avertit dans sa
très
belle exposition : attention, tout n’est que vanité !
Par Valéry Poulet
Par Valéry Poulet
JEAN-LUC VERNA
“Vous n’êtes pas un peu beaucoup maquillé ?” -
“Non”
Air de Paris 32, rue Louise Weiss 75013 Paris- France.
ART VISUEL
Kouros © photo Marc Domage
courtesy Air de Paris, Paris
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INTERVIEW AVEC JEAN-LUC VERNA
Valery Poulet : Quelles sont vos
impressions concernant votre exposition à la galerie
Air de Paris ?
Jean-Luc Verna : De fêter en quelque sorte nos noces de porcelaines…
Déjà vingt ans de fidélité avec Air de Paris. Ils étaient à Nice
et ils m’ont
toujours fait confiance, suivi dans mon travail, je prends la
mesure du
temps écoulé, en quelque sorte !
V.P. : Dans votre exposition,
ce qui semble au départ spectaculaire,
c’est la présence de
votre corps photographié.
J.L.V. : Effectivement, il y a présence de mon corps. Mais je ne suis
pas dans le Body Art, ni me positionne comme performeur, ni non plus
dans un quelconque narcissisme. Ces photos sur mon corps ont
commencé en 2000 et j’en suis à la quatrième série de ces nus.
Elles
sont le fruit d’une rencontre entre deux univers l’histoire de l’art
et le
rock… Ou plutôt un trajet qui irait du rock vers le musée… Dans
ces
photos, je ne suis qu’un interprète en quelque sorte. Il y a
travail sur le
corps mais comme dans l’image, on dégraisse, on affine. N’oublions
pas, le corps vieillit !
V.P. : Le dessin semble votre
domaine de prédilection.
J.L.V. : En sortant de mes études à la Villa Arson, je voulais être
peintre, mais je n’avais pas de fric, donc pas d’atelier… Je me
suis
tourné vers le dessin, une économie qui me convenait, léger,
adaptable…
Pour moi, le dessin est devenu la base de tout, la base de la
première
écriture, que ce soit la question du corps ou autre…
V.P. : Oiseaux, chiens
apparaissent de plus en plus dans vos oeuvres.
J.L.V. : Je fais des corps humains depuis une vingtaine d’années
déjà… Les animaux véhiculent eux aussi des références à l’histoire
de
l’art, on en trouve partout… C’est aussi une façon de dire les
mêmes
choses avec d’autres acteurs… Forcément les expressions changent
mais en y réfléchissant bien… Pas tant que ça !
V.P. : Et le détournement du
sigle Paramount ?
J.L.V. : Une récurrence depuis le début, le côté cinéma, le côté amour,
Paramour donc ! Cela me permet de m’évader de la figure… Je
change
la montagne, je travaille le paysage. Pour en revenir à cette
récurrence,
j’aime essayer de pousser les motifs jusqu’à épuisement, chose
impossible en soi, chaque motif porte en lui-même son
renouvellement…
@valéry Poulet |
V.P. : Dans votre exposition,
la présence de la mort juste effleurée…
J.L.V. : Le rapport à la mort est effectivement présent, mais une mort
apprivoisée, mon travail et comme un memento mori pour moimême…
Je suis séropositif… Porter en soi la promesse du pire permet
de tirer le meilleur des gens, de l’amitié, du présent…
VISUEL
V.P. : Parlons de la scène… De
votre groupe…
J.L.V. : Pour moi, tout est lié ! j’expérimente la danse dans mes
photos en tant qu’acteur, la façon dont je gère mon image, mes
propositions viennent du dessin, la scène rock me renvoie à des
éléments chorégraphiques… Quant au groupe, cela marche de mieux
en mieux. De reprises au départ nous allons vers des compositions,
le
public accroche ! Deux projets d’enregistrement sont prévus, le
premier
sous forme de Picture disque Vinyl produit par Optical Label et un
autre, une démarche originale, des remakes de nos morceaux par Pita
Rheberg produit par Mego Production, label autrichien.
V.P. : La Villa Arson, une
grande importance pour vous aussi
J.V.L. : Je suis fier d’être professeur à la Villa Arson ! C’est une chose
à laquelle je tiens même si hélas j’y suis moins présent qu’avant.
Il y a
dans cette école, un je ne sais quoi, une alchimie spécifique ! Il
est
très important pour moi d’essayer de rendre à cette école tout ce
qu’elle
m’a donné ! Et pour revenir à la Villa Arson, beaucoup de choses m’y
attachent…
V.P. : Vos projets ?
J.V.L. : Pleins ! Les deux disques qui sortiront fin 2011, début 2012 ;
un rôle dans le Sacre du Printemps chorégraphié par Gisèle Vienne, ;
la foire de Bâle et celle de Bâle-Miami ; des expositions de
groupes ;
un
futur bien rempli !