11/03/2011

CONFORT MODERNE


France (burnt/unburnt)
courtesy@ Galerie Air de Paris


Foyer, mot qui recouvre plusieurs sens. Foyer comme partie que l’on aménage pour faire du feu, lieu d’habitation d’une famille, par extension, lieu où habitent une catégorie de personnes comme les foyers de travailleurs immigrés, mais aussi lieu de repos pendant un entracte pendant un théâtre. Le foyer rapproche, regroupe, en quelque sorte, protège. 

Mais le foyer est aussi par extension, assimilé, à un lieu d’insurrection, où une allumette peut mettre le feu très vite, prêt à prendre flamme, à s’étendre, l’exemple du Moyen-Orient tout récemment en est un. Les « fuocos » de Guevara en furent un autre, à l’époque. Les détournements, les Ready Made de Claire Fontaine qui nourrissent « No Family Life » mettent en crise cette notion de foyer.


L’appellation Claire Fontaine recouvre un collectif d’artistes.. Ils se considèrent comme des « singularités quelconques » et ceux-ci préfèrent d’ailleurs, le terme d’assistants, réfutant la notion d'auteurs. Cette volonté s’inscrit dans la position politique plus large Claire Fontaine annonce la couleur : la vie contre la dissolution mortifère exercée par le capitalisme.

Claire Fontaine n’est pas dupe des limites de l’exercice, ne se pose pas comme le détenant d’une vérité ultime,  ils ne font que relever, mettre à nu certains processus d'aliénation "No Family Life" participe de cette volonté.Considérant l’hypothèse communiste comme une solution, leur travail s'accompagne aussi de réflexions théoriques, sur leur statut, sur leur positionnement politique en tant qu'artistes. 
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« No Family Life » de Claire Fontaine procède d’une économie fictionnelle, recréant un parcours dans la mise en espace des œuvres présentées et où chacune d’elle raconte sa propre histoire, histoire qui s’insère dans un processus plus global. Cette mise en espace réfléchit notre propre espace privé, notre propre foyer et dénonce l’illusion d’en être le propre maitre, de pouvoir le contrôler.


Untitled (Suspended Battering Ram)
courtesy@Galerie Air de Paris


Un cheminement à plusieurs ramifications, à entrées multiples donc, un cheminent semé d’embuches. Nous circulons autour de pièces évoquant le détournement des compteurs à gaz, la vie de famille, comme cette table à langer, mais le tout est placé sous une menace constante, comme ce bélier utilisé par la police qui vient obstruer l’espace, évoquant l’expulsion et l’impossibilité de trouver véritablement un refuge : un espace réellement privé, en dehors des incidences extérieure, cet espace n’existe plus.


No Family Life
courtesy@Galerie Air de Paris



Ce vêtement d’enfant abandonné sur une borne, est révélateur d’une présence/ absence, d’un anonymat.  Avec ce landau, transformé en cachette, placé de façon incongru dans l'espace d'exposition prend lieu finalement de métaphore de notre devenir : l’enfant qui devrait être dans le landau n’est finalement plus que marchandise…

Vêtement d’enfant, landau, un bélier, un rideau séparant deux pièces, autant d’irruptions, d’obstructions spatialisées par Claire Fontaine et ayant valeur d’avertissement : abandon, précarité, épée de Damoclès suspendue à nos vies où nul refuge n’est possible.
Plus ou pas de vie privée, nous ne nous appartenons plus, comme l’exprime cette pièce de Claire Fontaine déclinant à l’infini ces mots, « No Family, No Life, No Family Life », où comme l’exprime encore, le texte de présentation de l’exposition :

Car une vie à 7500 euro le mètre carré n’est pas une vie innocente, elle n’est pas une vie accessible, elle n’est pas une vie ouverte, libre, aventureuse et intéressante. C’est une vie privée.
                                                                                         Claire Fontaine

Les détournements effectués par Claire Fontaine pourraient s’envisager comme l’écho de nos propres détournements: ainsi ce compteur trafiqué, ou ce landau masquant un trafic. Claire Fontaine vient juste aussi surligner nos propres comportements de résistance, de système « D », de « gruge », afin de vivre, ou plutôt de survivre…


People who know the value of money (Black)
courtesy@Galerie Air de Paris
                    

Les rapports de productions et de consommations que nous subissons, sont mis en évidence par ces détournements de sérigraphies représentant le « Mao » de Warhol recouvert de slogans publicitaires vantant les produits de chez Ikéa. Une marque peu chère, qui standardise nos vies, nos intérieurs, nos foyers… Claire Fontaine procède par opposition, confrontation. D’une part, cette image sérigraphiée, est un rappel à la production de masse, d’autre part, cette mise en perspective renvoie à nos rapports de consommations standardisés, les produits manufacturés ne sont plus produits ici, en Europe mais ailleurs comme en Chine, produits qui viennent alimenter notre confort moderne, dans lequel nous vivons entre passivité et résistance, entre soumission et rejet, un monde somme toute précaire…


France (burnt/unburnt)
courtesy@Air de Paris
          

Ce « Mao » nous interpelle aussi, par la mise en exergue, d’une tentative communiste avortée, la révolution chinoise, de ce qu’elle est advenue: une bureaucratie et un capitalisme d’état, et à nos propres rêves « petit-bourgeois » consommateurs, à nos désirs profond aussi d’un monde meilleur et non subi, à nos désirs de rompre avec une vie non librement consentie.

Mais Claire Fontaine, par cette carte de France faite en allumette, nous propose une solution et pourrait faire sienne les paroles de NTM : « Qu’est-ce qu’on attend pour mettre le feu ? »


Site de Claire Fontaine

CLAIRE FONTAINE
No Family Life
11 fév-19 mars 2011

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