Des phrases courtes, incisives, inscrites dans un geste rapide, brutal même. Des phrases aux limites de l’injonction : des slogans… Mots d’ordres, mots lâchés pour percuter, pénétrer les esprits, s’inscrivent sur des supports, toiles ou papiers sans châssis, accrochés à même les murs. Une technique « pauvre », rudimentaire ; palette de couleurs restreintes : jaune, noir, rouge, orange…
Une grammaire picturale réduite donc à une extrême simplicité, du « Low tech » comme le dit lui-même Georges Autard. Une peinture pour tous…
Une grammaire picturale réduite donc à une extrême simplicité, du « Low tech » comme le dit lui-même Georges Autard. Une peinture pour tous…
Histoires de peintures…
Pourtant les travaux présentés par Georges Autard, bien que celui-ci s’en défende, entretiennent avec la peinture et son histoire, une relation plus complexe qu’il n’y paraît.
Dans chacune des surfaces proposées par le peintre ressurgit l’histoire de ce médium.
Il suffit de regarder avec attention le traitement d’abord trompeur de ces surfaces aux tempéraments rageurs Apparaissent alors de subtils jeux de profondeur, de superpositions les utilisations de formes géométriques, les collages employés en superpositions renvoient à l’histoire de la peinture moderne, celle des avant-gardes, cubisme et constructivisme, celle de l’expressionnisme abstrait et du minimalisme…
Comme il titilla les nymphéas de Monet dans cette série de diptyque qui détournaient ces fameux nymphéas, fleurs intouchables de l’histoire de la peinture… Autard construit sa peinture en prenant le contre-pied de Greenberg le grand théoricien du Minimalisme pictural. D’une part, par l’usage de l’écrit qui de signifiant devient signifié, mais surtout proposant une peinture où l’on retrouve les effets illusionnistes d’une troisième dimension, effets que dénonçait à grands cris Greenberg et ses épigones.
Autard provoque la peinture, combat et maltraite la surface, qu’elle soit toile ou papier.
Il serait trop aisé et trop facile d’assimiler Autard au mouvement « Bad painting » des années quatre-vingts dont l’un des représentants les plus connu fut Julian Schnabel, passé depuis réalisateur.
Il fait certes de la « non-peinture », mais ne se rattache en aucun cas à ce mouvement. Les racines sont plus profondes, Il faut chercher des filiations plus lointaines, le Suprématisme comme nous l’avons vu précédemment.
Georges Autard est l’un de ces rares peintres dont le travail trouve une filiation au Body Art. Il en introduit certaines pratiques issues de la peinture : Pollock, Klein, le mouvement japonais Gutaï…
Ses peintures sont comme autant de réactions, de propositions du corps…
Autard frôle Pollock quand celui-ci livrait batailles sur batailles avec ses toiles, la technique du dripping. ne redoute pas l’accident, l’imperfection…
Par ses « prosternations » issues de pratiques de prières des moines tibétains qui consiste à ramper sur le sol et présentés comme des « Wall paintings » il partage avec Yves Klein, ce goût des empreintes au travers la célèbre série des « empreintes », mais aussi au mouvement Gutaï, notamment Kazuo Shiraga.
Un autre repère, Yves Klein fut l’une des premières ceintures noires de judo en France, et Autard pratique, lui, jutsju. Leurs œuvres sont marquées d’une grande spiritualité d’autant que Georges Autard entretient une quotidienneté avec le bouddhisme.
Zen spirit et punk attitude
Zen et Punk ! Deux termes à l’apparente contradiction, que l’on classerait bien volontiers dans un dictionnaire comme antinomiques. Zen et Punk ne sont pas contradictoires. Ils sont particulièrement adaptés à la production picturale de Georges Autard, Zen spirit dans cette recherche de l’économie de moyen et du geste juste. Punk Attitude dans cette entreprise « trashy » de déconstruction et relecture que nous offre le peintre. Zen et Punk dans l’adoption du « low tech » se rejoignent dans la simplicité d’exécution et son unicité.
Aussi, cette quête de spiritualité dans le Bouddhisme paraît troublante, surprenante et en contradiction avec la violence que dégagent ses toiles aux yeux du profane.
Mais cette violence n’est pas incompatible avec la spiritualité. Cette violence est expulsion. Dans l’une de ses toiles, le peintre proclame « Mon noir n’est pas triste, il est violent ».
Que nous vaut alors de subir cette violence qui se projette devant nos yeux, nous happe puis nous agrippe dans cet intervalle crée par le regard… Il nous vaut la réfléxion sur le geste.
Certes la toile, la surface entamée revêt son importance dans le travail de Georges Autard. Mais l’avant et l’après sont tout aussi primordiaux.
L’avant pour cette concentration, l’après qui offre le sentiment océanique de relâchement… Entre, il y a le médium peinture, qui vient se plaquer sur le support…
Dans le « Yabusame », le tir à l’arc rituel japonais, où le cavalier, après avoir lancé son cheval au galop, décoche sa flèche sur une cible au cri de « In yo in yo » que l’on peut traduire littéralement « obscurité et lumière ». Cri faisant slogan, faisant corps…
Et si il fallait analyser le processus créatif de Georges Autard, il y aurai d’abord la méditation, la concentration, la tension puis le relâchement. La toile devient le réceptacle de cette tension.
Vous ne voyez pas ce que vous voyez…
Les inscriptions que le peintre expulse de son corps, de sa méditation tels que slogans, pictogrammes ou scansions sont, à l’égal de la peinture ; allègées de toute tentation maniériste, et traitées dans un vocabulaire simple.
La reproduction, la déclinaison du même terme dans les séries « Paradise now » ou « Wisdom and Compassion » proposées ici, s’assimilent à la cantilation de mantras. dites, redites, prononcées à l’infini depuis des siècles, aux moulins à prières tournés sans cesse par les moines ou les pélerins afin que les prières ne cessent un seul instant. Cette répétition impérative qui confine à l’imprécation, s’opère chez Georges Autard par le biais d’une seule phrase courte, modulée par la couleur, la forme, la taille, les effets de profondeurs surgissant de la même matrice créatrice, unique et universelle.
Les mots sont parfois dédoublés, repassés… Le dédoublement, l’écriture, le slogan nous renvoient à l’impermanence de toute chose, de tout être…
Le semblable ne sera toujours que dissemblable…
Ainsi Georges Autard a déjà entamé depuis l’enfance de son art, la longue et inexorable valse des vies à venir…
expo du 03 juin (vernissage) au 31 aout 2010
KUNSTBÜROBERLIN UHLANDSTRASSE 162
http://www.kunstbueroberlin.de/kdgalerie_autard.html