12 photos identiques en noir et blanc, douze photos d’un lit défait, aux draps froissés.
Ces douze photos impriment en tout cas, un passage, un départ, une absence… Quelqu’un
ou peut-être deux, ou encore plusieurs y
ont dormis, l’ont abandonnés, le rejoindront peut-être plus tard, trop tard…
En-dessous de chaque photo, des légendes inscrites, des
phrases entre érotisme et pornographie. Qui les prononce, les pense, le
propriétaire du lit ? Une personne de passage ? Un imaginaire ?
Une part fantasmatique de chacun d’entre nous ? Témoignage d’une vacance,
d’une cruelle absence ?
Luna nous invite dans Opus-Cul à une narration sans fin et
particulière. Cette même image obsédante qui rejoue la même scène devient peu à
peu un terrible jeu de miroir dont les reflets viendraient frapper des
protagonistes fictifs qui brillent par leur absence, l’artiste elle-même et
nous. Pas même l’incarnation d’une voix qui jouerai l’identification.
Ce
dispositif se transforme en piège, comme « piège pour un voyeur » de
Journiac remis récemment au goût du jour dans une galerie parisienne. Piège car
notre imaginaire en veut plus, voudrait voir l’acte décrit. Nous connaissons
tous l’effet performatif de la pornographie. Voulant connaitre l’auteur de ces
lignes, mais privé d’incarnation, c’est-à-dire, sans image et sans voix, le
regardeur est renvoyé à ses frustrations. Et les légendes ne sont pas assez
longues pour se ressourcer dans ses propres parts fantasmatiques. Luna inverse
le processus pornographique de l’image. Jamais nous ne regardons une œuvre
pornographique dans son intégralité mais par bribes pour assouvir nos désirs.
Cela suffit. Ici nous sommes saturés de bribes, faites de phrases, souvent
impératives, face à une même et muette image répétée.
Le piège de Luna agit en « double bind ». Les
phrases, comme nous l’avons vu, sont dépersonnalisées, privées de
propriétaire, elles interrogent sur les relations images/auteurs, qui est
l’auteur de image, celui-ci qui écrit ? Ou est-ce un autre ? La reproduction
de l’image nous renvoie aussi à cette question de relation. Il y a
dépersonnalisation de l’auteur mais aussi dépersonnalisation du genre. Est-ce
il ou un elle ? Qui écrit, qui produit ces images, ces
courts-textes ?
Luna nous laisse le champ libre…
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