Delphine Reist,
artiste suisse, se voit consacrée une monographie rétrospective de ses travaux.
Celle-ci est à l’initiative de la galerie Triple V(Triple V éditeur) en co-édition
avec les Ateliers Berlin éditions et en co-production avec FRI-ART (centre
contemporain de Fribourg) (. Cette monographie retrace donc le parcours
artistique de Delphine Reist. Cette monographie contient aussi un entre tien
entre Delphine Reist et Corinne Charpentier, directrice de FRi-ARTet un excellent texte de
présentation du travail de l’artiste par Vincent Pécoil, directeur de la
galerie
Triple V et critique d’art.
Triple V et critique d’art.
Mis en mouvements, arrêts, animations spontanées, d’objets, de voitures, d’outils comme des perceuses, un travail de mise en automation sans intervention humaine apparente. Les objets ne se transforment pas, ne changent pas, restent les mêmes.
« Ce ne sont pas des images d’autres
choses et, de ce fait, il s’agit d’une forme d’art « concret », au
sens où l’on parle de « musique concrète » »
Vincent
Pécoil, galeriste et critique d'art
Donc
pas d’intervention humaine, ni d’apparition d’humains dans les dispositifs que
nous présentent Delphine Reist. Ces
objets ne semblent pas avoir besoin de nous et donnent l’impression d’être en
complète autonomie. D’ailleurs, certaines de ces œuvres agissent en circuits
fermés, notamment des systèmes de transvasements, les fluides revêtent une
grande importance dans le travail de l’artiste. Et nous nous trouvons là, face
à ces phénomènes, comme spectateurs. Spectateurs qui ne peuvent agir sur ce
processus, ce fonctionnement autonome, autarcique, qui s’en retrouvent exclus
d’emblée et crée un malaise. Bien sûr, Delphine Reist joue de ce malaise et
nous laisse à la porte d’un monde qui n’a nul besoin de nous. Nous en sommes
donc exclus. Ces machines peuvent se passer de nous, se pose alors l’évidente
question, sommes-nous esclaves de ces machines ?
"Averses" @ Delphine Reist, cortesy Centre Georges Pompidou |
« L’idée
de « bonheur des masses me fascine avec ce qu’elle implique dans
l’organisation de la vie de l’homme moderne (…), La volonté de rationalisation
des activités humaines a eu un impact majeur sur notre vie et notre
environnement » Delphine
Reist.
Vincent
Pécoil cite, à juste titre, Marshall McLuhan « L’homme devient (...)
l’organe sexuel de la machine, comme l’abeille du monde végétal, lui permettant
de se féconder et de prendre sans cesse de nouvelles formes. La machine rend à
l’homme son amour en réalisant ses souhaits et ses désirs, en particuliers, en
lui fournissant la richesse ».
Certes, mais cette vision a son revers !
D’ailleurs,
Delphine Reist le souligne ironiquement. Elle crée des machines capables de
peindre seules, qui peuvent se substituer à l’artiste lui-même et qui réfèrent
au « dripping » de Pollock et aussi aux « All-Over »,
équivalent des « Earth Rooms » de Walter de Maria. Elle délègue son
pouvoir. Une ironie amère, en fait. L’utopie de la machine libérant l’homme
prend une allure cauchemardesque.
L’automatisation des chaines industrielles, au lieu de le libérer, de
lui permettre de gagner du temps de loisir, au contraire, l’asservit, chômage,
sous-emploi, délocalisations... Cette préoccupation sociale est reprise
diffèremment avec une œuvre comme dans « fluide »,
"Vidanges"@Delphine Reist |
« Dans
la pièce « vidange» ( …), le lubrifiant dont l’odeur prégnante
émane des bidons, revient souiller le voile blanc issu de l’univers
bureaucratique, un univers aseptisé où la production, souvent reléguée dans les
pays du Tiers-monde est devenue une abstraction… »
Vincent
Pécoil
Celui-ci
estime même avec raison que les machines disparaissent de notre champ de vision
et deviennent impalpables, transparentes serait le terme le plus exact , dans
notre monde occidental, l’automatisation s’opère au travers des processus
d’intelligence artificiel omniprésents. (opérations banquaires, systèmes de
surveillances etc…)
surveillances etc…)
"Cent fleurs épanouies" @ Delphine Resit , courtesy FRI_ART |
Il est à souligner aussi que la plupart des installations de Delphine Reist prennent place dans des lieux, comme des parkings, des chantiers, des friches industrielles…
"Chiens de fusil"@Dlephine Resit , courtesy Galerie Triple V |
Laissons
le mot de la fin à Delphine Reist dans son entretien avec Corinne Charpentier
« J’aime
travailler en creux et laisser place au paradoxe, à l’antinomie, à l’équivoque.
Les objets animés, en nombre, fonctionnent comme des communautés qui se
seraient débarassées de l’humain ou qui le singerait et qui « travaillent
et suent » ensemble. Ils ont l’air d’être organisés en système et avoir un
objectif. Mais la voiture finira par s’arrêter de démarrer, la scie sauteuse
pourrait couper son propre cordon. La population de fusils se vise elle-même.
Les objets portent en eux la perspective de leur épuisement ».
Machines
célibataires et absurdité de notre monde…
Valéry Poulet
Delphine Reist est visible à la galerie Triple V jusqu'au 21 Octobre 2012
Valéry Poulet
Delphine Reist est visible à la galerie Triple V jusqu'au 21 Octobre 2012
Triple V
24 rue Louise Weiss
75013 Paris
+33 (0)1 45 84 08 36
Galerie ouverte du mardi
au samedi, de 11h à 19h.