Le flou est-il une pudeur ? Un refuge ? Un art de jouer d'un effet esthétisant, pictorialiste? Une façon d’esquiver le réel ? De se détourner de celui-ci ? Ou alors quelque fois d’augmenter son acuité ? A-t-on toujours besoin de netteté pour y voir clair ?
Maciek Stepinski, avec cette série « Go with Peace » nous interroge sur la nature de notre regard : la netteté serait-elle toujours garante du réel, de la véracité des choses ?
Quatre fois au musée à Hiroshima. J’ai vu les
gens se promener. Les gens se promènent,
pensifs, à travers les photographies, les
reconstitutions, faute d’autre chose, à travers les
photographies, les photographies, les
reconstitutions, faute d’autre chose,
(Dialogue extrait de « Hiroshima, mon amour », film d’Alain Resnais
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courtesy@ Maciek Stepinski
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La série « Go with Peace », réalisé dans une zone de conflit, quelque part entre Israël et Palestine prend la forme d’un road-movie. Ce choix de road-movie apparait comme important, il implique un déplacement d’un endroit à un autre, une errance, où la temporalité ne se fixe pas, où l’espace évolue sans jamais se fixer. Une temporalité qui fluctue le temps d’un trajet, parfois une pause, jamais très longue… Maciek Stepinski, en quelque sorte, métaphorise ce temps, cet espace qui court, un parcours personnel, subjectif. Le road-movie est une fiction qui se déroule…
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courtesy@ Maciek StepinskI
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« je me suis éloigné de la vérité documentaire
pour créer des fictions, des déjà-vu, des séquences d’un film
qui n’existe pas, un défilé d’images rassemblé par un choix
particulier, non aléatoire. Dans ce monde imaginaire, mais
existant, des éléments ont été effacés, remplacés. Ces
modifications me permettent de poser un regard personnel… »
Maciek Stepinski in Dossier de presse de « Go with Peace »
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courtesy@ Maciek Stepinski
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Des traces du conflit, peu de choses, en fait ; carcasses qui trainent, des panneaux en bord de route, illisibles… Habitations… Cette zone pourrait en être une autre, les détails manquent… Peu identifiables… Flous par la vitesse du véhicule qui transporte le photographe, flous par la volonté de celui-ci
Il ne s’agit pas chez lui, d’une dérobade, d’une façon de dire « Cachez-moi ce sein que je ne saurai voir ». Ce ne serait être la raison de l’utilisation de ce flou systématique, cette raison est plus profonde et ne recule pas devant les faits.
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courtesy@ Maciek Stepinski
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A contraire, ce flou vient prendre place au milieu de la situation. Ce flou systèmatique, intégré dans chacune ses photos n’est-elle pas plutôt, une autre façon de représenter un conflit apparemment, simple, manichéen au premier abord, mais dont les écheveaux sont bien moins faciles à démêler qu’il n’y parait… De pointer le doigt sur ces inconnues qui nous échappent et qui échappent au photographe lui-même ? Ne point fixer aussi, permet d’atteindre une certaine universalité de regard… Israël ou pourquoi pas la Lybie, la Syrie… Une volonté de ne pas isoler… D’user d’une profondeur de champ sélective…
Tu n’as rien vu à Hiroshima. Rien
(Dialogue extrait de « Hiroshima, mon amour », film d’Alain Resnais
Que montre juste Maciek Stepinski, dans ses photographies, que non parfois, la netteté, l’effet de réel, ne fait pas force de preuve… Il est possible aussi que Stepinsky n’ait rien vu… Alors, le photographe poursuit sa fiction, traverse et suit juste son chemin : voir, avoir pu voir, qu’importe… Alors les photographies deviennent ouvertures que chacun reconstruit comme il peut… Et dont seul Maciek Stepinski garde, en silence, pour lui seul, le secret diffus…
Du 12 mai au 18 juin 2011
Vernissage le 13 mai à partir de 18h30
Nocturne le 13 mai 2011 jusqu’à 22 h
32 rue Saint-Jacques . 13006 Marseille
www.saffirgalerienomade.com