11/06/2011

INVERSER LES FLUX



















Après la série « Résistance(s) », compilation de vidéos regroupant des artistes du Maghreb et du Moyen-Orient, Lowave Label croise le tir, focalise sur le continent africain, et inaugure  une série intitulée « In/Flux ».
   
D’échanges, il a toujours été beaucoup question avec le continent africain et ce depuis des siècles déjà et les rapports se sont souvent trouvés inégaux. Le constat de la mondialisation, par exemple, met en évidence une mise à l’écart de ce continent par rapport aux autres. L’Afrique semble rester le continent oublié  et à perpétuellement servir de terre arable sur laquelle, les autres pays viennent puiser allègrement ressources, matières premières ; que ce soient les puissances installées ou émergentes….

la première impression marquante, comme le laisse donc supposer le titre, vient souligner  une notion d’échanges, de circulations, ceux-ci  s’effectuent  de part et d’autres,  de territoires en territoires et viennent exaspérer une espèce de no man’s land, où se pose la question de l’unilatéralité. Mais  ce « In » titre renvoie inconsciemment à une équivoque, l’aspect de pénétration, à une attitude où ce continent subit souvent plus qu’il ne domine…
Les vidéos présentées dans cette compilation tracent des lignes de partages souvent imperceptible entre prise en main d’un destin,  dénonciation, le fait de subir, ou de jouer du détournement…. En tout cas, chacune à sa façon tente de lutter et dénonce ce qui pourrait devenir dans l’esprit de beaucoup, une forme de fatalité.

"God's Land", Ismail Farouk, South Africa
                               

Certes, certaines d’entre elles, comme celle, superbe de Stacey Hardy et Jaco Bouwer, « I love you Jet Li » viennent en quelque sorte entériner une forme de constat d’échec : un hall d’aéroport, personnages anonymes qui déambulent, solitaires, dans l’attente et cette voix Off d’une jeune femme que l’on ne verra jamais, porte-parole d’un génération, qui dresse un constat pessimiste et qui finalement choisira le départ vers un autre continent, mais aussi vers une chimère..

 « God’s Land » de Ismail Farouk participe de cette verve pessimiste  où sur fond de modernité, un paysage urbain, une pancarte où est inscrit « God’Land » vient trôner misérablement sur un terrain vague où trainent déchets, reliefs d’une société de consommation dont beaucoup sont exclus.
Mais le « In »,  convie aussi  à une volonté,  à se mettre en disposition pour l’échange. Ce « In » sert d’embrayeur vers une ouverture, une mise en marche. Et inverser le cours du flux.  Cette volonté, dans les travaux présentés  prend plusieurs chemin ;
D’abord, celui d’une réappropriation du passé afin d’avancer positivement vers le futur.  Ainsi avec la vidéo « On présidents and super heroes », un film d’animation, où le réalisateur Khaled Hafez fait appel aux figures mythologiques de l’ancienne Egypte pour en quelque sorte sauver, protéger le pays. L’ironie de l’histoire fera que ce sera le peuple égyptien lui-même qui prendra en main son destin quelques temps, cette vidéo datant de 2009.


"The a77a Project, on Presidents and Super heroes", Khaled Hafez, Egypte
                             


Dans « Post colonial dilemma », au traitement trash et jouant sur les codes d’un film de série Z,  propose un retour au Vaudou, aux pratiques animistes où la victime de la possession est une femme blanche, zombifiée… Là encore, les traditions ancestrales viennent en quelque sorte prendre le dessus sur un état de déliquescence… En même temps, ce film pose un œil satirique et dénonciateur sur la tentative de  Zaïrification pronée par Mobutu à son époque en République Démocratique du Congo.


"Ruling of the night", Julia Raynham, South Africa

« Ruling of the Night » de Julia Raynham, plus ambigüe, montre la déambulation de deux esprits dans une ville, jouant avec les symbols de la consommation, ils sont invisibles aux autres, esprits bienveillants ou malfaisants ?
Quand à « The Real People », de Natio Mosquito, “Imaginer le future au present” de Neil Beloufa et “Voice of the moon” de Goody Leye, chacune aux traitements différents, avancent à divers degrés une prise en main du destin.


"The voice of the moon", Goody Leye, Cameroun
                             

Elle peut être individuelle, chez Mosquito, avec cette jeune femme qui se lance dans une chorégraphie le long d’une rue animée d’une grande ville, où elle pose fièrement l’autorité de son corps ; collective comme cette description collective d’un futur utopique ou nature et humains se réconcilient avec le réalisateur Neil Beloufa ou encore par une réappropriation fictionnée de l’histoire avec cet homme noir se subsituant à la silhouette d’un cosmonaute sur la lune, finissant par se confondre avec lui : réappropriation, mais aussi fusion, en quelque sorte, avec les découvertes technologiques qui appartiennent tout autant au continent africain qu’au monde occidental…



"Under all means necessary" Dineo Bopape, South Africa, 
                             

Donc ces vidéos oscillent entre constats, dénonciations et tentative hétérotopiques… Au-delà des nationalités diverses des artistes et réalisateurs, ces vidéos témoignent de la richesse d’imagination, de créativité de ce continent . Chacune d’elle, au-delà de plusieurs thématiques communes,  interroge  le médium vidéo de façon différente, que ce soit de l’ordre du  formel et du narratif. Elles ouvrent notre regard sur la diversité artistique et culturelle d’un continent considéré trop souvent comme indifférencié, voir monolithique et figé. L’illustration la plus marquante de ce flux qui parcourt le continent africain pourrait être cette vidéo de Dino Bopape « Under all means necessary » montre une jeune femme dont les tresses peu à peu fouettent un écran blanc et se dissolvent en pixels qui se répandent jusqu’à couvrir cet écran. Métaphore d’une inversion de ce flux qui, là, part de l’Afrique et vient toucher le monde.


IN/FLUX
DVD
Lowave Label et  SPARCK
www.lowave.com